Artiste, performeur, musicien et acteur, Joe Coleman est une personnalité new-yorkaise incontournable. Jouant d’une obsession maladive et d’une fascination pour les tendances psychopathes, ses peintures denses et détaillées plongent le spectateur dans un univers gothique illuminé entre icônes culturelles de la violence, anti-héros et figures historiques. Plus que de simples portraits, ses œuvres racontent la vie et la légende de leurs sujets (serial killers, détraqués, etc.) en y ajoutant des textes, des récits, et un labyrinthe de petites saynètes, rendant la lecture visuelle et textuelle chaotique malgré une composition très structurée et délicate. Sa peinture se présente à la frontière du malsain comme une autopsie de la condition humaine – privilégiant son versant violent ou dément – qu’il dissèque au scalpel à même le tableau. Influencé autant par la peinture de la Renaissance, les
enluminures du moyen-âge que par les «crime comics» des années 50, l’artiste remplace des images de saints par celles de personnages contemporains à la «sainte folie» trash. Son travail se situe dans la tradition de peintres comme Bosch, Bruegel, Grünewald, ou Goya, qui s’inspiraient aussi de la folie, du traumatisme ou de la souffrance. À cette sensibilité pour la perte et la peur humaine, Coleman ajoute une dimension d’humour ainsi qu’une intensité picturale qui tend vers l’hallucination.
Indian Larry, Glory of New York, War Triptych, Joe’s Fear of Disease, Big Bang, tels sont les titres des tableaux présentés par Joe Coleman pour sa première exposition au Palais de Tokyo. Un ensemble d’une vingtaine de tableaux très représentatifs de l’œuvre de cet artiste autodidacte offre une introduction à cet univers nourri d’obsessions et d’excentricités. Mélangeant cultures populaires et religions, les images de la fête, de la guerre, du paradis et de l’enfer apparaissent comme les coordonnées extrêmes d’un monde joyeux mais hanté par la perversité. Cette exposition est présentée en collaboration avec la Cartin Collection, Hartford, Connecticut, et est organisée par Steven Holmes. Depuis les années 80, Joe Coleman a exposé dans différentes galeries dans l’East Village à New York comme Limbo, Civilian Warfare et Chronoside. Son travail a également été présenté à l’American Visionary Art Museum, au Musée Jérôme Bosch, au Wadsworth Athenaeum de Hartford CT, ou encore au Centre d’art contemporain de Seattle. Joe Coleman s’occupe aussi de l’Odditorium, son installation muséale permanente remplie d’objets étranges et dérangeants dont des armes «vintage» ou des spécimens de taxidermie.
Biographie
Joseph Coleman Jr est né le 22 novembre 1955 à Norwalk, dans le Connecticut à proximité d’un cimetière.
En 1961, il est placé dans une école pour enfants handicapés et retardés.
Vers 1963, il commence à faire ses premiers dessins représentant la mort, des saignements.
En 1975, il arrive à New York, fasciné par les films sur Big Apple.
Un an plus tard, il fréquente l’Ecole des Arts Visuels de New York mais arrête les cours et décide de devenir chauffeur de taxi. Il commence à se faire un nom. Lors de ses dérives urbaines, il se fait beaucoup d’amis. En dehors de ses heures de travail, il dessine quelques comics, qui l’influencent sur son style et lui permet d’entreprendre et de débuter des performances et des street actions. En même temps, il tourne dans les bars avec le groupe The Steel Tips, de style contry et punk.
Vers 1985, Joe Coleman invente et crée le personnage du Professeur Momboozo, hybride du savant fou, du prédicateur et du magicien Harry Houdini. Il débute alors des performances en tant que Professeur Mombooze-o. Et c’est en 1989, sous l’influence de ce professeur, qu’il, la veste remplie de TNT, réalise des actions explosives dans l’espace public ou en galeries. Il est alors arrêté pour détention d’une arme à « caractère infernal ». Son avocat le fera relaxé en le défendant grâce aux Sorcières de Salem. Il expose aux cotés de Brueghel, Ensor, Dali et Bill Viola en 1993.
Aujourd’hui il vit et travaille à New York.
Sa démarche artistique
Ses œuvres sont basées sur son univers chaotique, qui est fait de rupture incessante et en même temps d’une exigence et d’une patience extrême. En effet, beaucoup des arrière-plans de Joe Coleman sont minutieusement réalisés. Il réalise deux ou trois tableaux par an. Il peint à la loupe huit heures par jour, cinq jours par semaine, et envisage la toile comme un puzzle qu’il remplit peu à peu, pièce par pièce, en se documentant, sans savoir où il va.
Ses influences et ses échos vont de Goya, à Ensor Füssli, en passant par la représentation sacrée hindouiste, l’art de la Rome antique et par celui de l’enluminure médiévale. Ses œuvres, en général, constituent son panthéon personnel. Il passe par Néron (empereur romain), Carlo Gesualdo (compositeur de musique baroque adulé), Behold Eck (acteur d’une série culte des années 1960) et par Ed Gein (l’un des plus célèbre tueurs en série américain surnommé le « boucher fou »). Toutes ses influences créent une œuvre syncrétique, un univers unique où l’art d’une représentation extrêmement figurative est au service des obsessions de l’artiste. D’ailleurs, l’une des principales obsessions de l’artiste est sa fascination pour les enfants serial killers.
Pour résumer, Joe Coleman se fait le reflet d’une Amérique malade et déjantée.
Anecdotes
- A la messe, Joe passait son temps à dessiner ce qu’il voyait dans l’église de Norwalk, notamment les stations de la Passion qui ornaient l’étage supérieur. Il prenait du blanc et du noir pour l’ensemble, et un feutre rouge pour le sang et les blessures. Jacqueline, sa mère, lui parle de Jérôme Bosch en voyant ses dessins.
- Pour rire, à 12 ans, il confessa au prêtre de sa paroisse plusieurs meurtres récents commis dans sa commune. « L’acte de poignarder s’apparente à un acte de communication où quelqu’un transmet sa souffrance à l’autre » explique-t-il.
- Quand on lui demande pourquoi il peint ses scènes apocalypse qu’il aime accrocher sur ses murs, il répond qu’il lui semble plus facile de « vivre avec ses démons, d’en faire ses amis » quand on les a sous les yeux, « ça permet de les apprivoiser »
- Joe Coleman est père d’un petit Junior, un fœtus au corps déformé et conservé dans un bocal en formol acheté à Coney Island. Son portrait est toujours sur lui, inséré dans une montre à gousset transformé en médaillon et est exposé dans son Odditorium. Son Odditorium est un musée d’épouvante et l’antre de l’artiste. Dans son cabinet de curiosités contemporain, il collectionne et expose des animaux empaillés, et des armes de toutes sortes. Sa dernière acquisition est une tête de momie égyptienne achetée aux puces de Clignancourt.
Portrait Indian Larry